Biodiversité : très mauvaises nouvelles en série
Ouest-France du 8 mars 2018 :
« En 25 ans, plus de 75 % des insectes ont disparu.
Entomologie. La disparition rapide et colossale des insectes, pourtant indispensables à la vie sur Terre, plaide pour un changement des pratiques agricoles.
Exercice de mémoire : la dernière fois que vous avez nettoyé votre pare-brise en raison du nombre d’insectes qui y étaient collés, ça remonte à quand ? Longtemps, probablement. Les apiculteurs alertent régulièrement sur le sort des abeilles, mais le problème est bien plus vaste. D’après une étude allemande, 75 % des insectes volants ont disparu au cours de ces vingt-cinq dernières années.
« Sur cette même période, nous avons constaté une baisse d’environ 80 % des insectes terrestres, alerte Vincent Bretagnolle, directeur de recherche au CNRS. Cela suggère une vraie tendance de fond. »
Un faisceau d’indices suggère que les changements des pratiques agricoles contribuent largement à cette hécatombe. Les néonicotinoïdes, des pesticides qui s’attaquent au système nerveux des insectes, sont dans le collimateur de nombreux chercheurs.
Si les pesticides tuent les insectes, les herbicides suppriment les fleurs qui les nourrissent. Autres éléments d’explication : le développement des monocultures et la disparition des haies, bosquets et marres où les petites bêtes se nichent et se reproduisent. « Les insectes n’ont plus ni gîte ni couvert. »
La pollinisation en péril
Un constat alarmant, car « les insectes sont indispensables à la vie sur Terre », poursuit Vincent Bretagnolle. Que ce soient les fraises, les tomates, le colza ou le blé, le résultat des pollinisateurs se retrouve dans presque toutes nos assiettes. D’après l’Inra, 70 % des cultures dépendent des pollinisateurs, dont certaines entièrement. »
« Les pesticides sont faits pour tuer des insectes, il ne faut pas s’étonner si les pollinisateurs sont aussi victimes de ces produits ! ajoute Bernard Vaissière, chargé de recherche à l’Inra au sein du laboratoire Pollinisation & écologie des abeilles. Environ 10 % des 1 000 espèces d’abeilles sont menacées en Europe. »
Et les insectes terrestres sont tout aussi importants pour le contrôle biologique – quand les coccinelles mangent les pucerons par exemple, ou pour assurer les fertilités des sols.
« On commence déjà à voir les premiers effets de la disparition des insectes, soutient Bernard Vaissière. Certaines plantes ne sont tout simplement plus pollinisées correctement. » « Après avoir été multiplié par 10 en un siècle, le rendement en colza et blé n’évolue plus », assure Vincent Bretagnolle.
Alors quelles solutions ? « Certaines usines développent des mini-drones pour effectuer le travail, glisse le chercheur. Mais je ne vois pas l’intérêt de dépenser des fortunes pour un système que la nature peut nous fournir gratuitement. » Lui conduit des expérimentations dans la zone-atelier Plaine et Val de Sèvre, au sud de Niort, qui recouvre 400 exploitations agricoles. Et les résultats grandeur nature de son équipe, qui cherche des solutions avec les agriculteurs, ouvrent des pistes de solutions.
Pour Vincent Bretagnolle la solution est évidente : « diminuer les pesticides ». En 2016, ils ont démontré qu’en divisant par deux la quantité d’herbicides et d’engrais azoté sur les champs de céréales, les agriculteurs y gagnent – ne serait-ce que parce qu’ils dépensent moins d’argent en produits phytosanitaires – sans baisse de rendement.
Même les plus répandus sont menacés
Jusqu’à présent, la plupart des scientifiques pensaient que les insectes rares étaient les plus menacés. Des chercheurs de l’université technique de Munich viennent de sortir une étude prouvant le contraire. « Des espèces fréquentes, comme les lycénidés (famille de papillons) vivent au sein de grands réseaux de population, et ne sont pas habitués à vivre isolés, explique Jan Christian Habel, auteur de l’étude. Or, l’intensification de l’agriculture réduit et isole leurs espaces vitaux. Elles meurent localement et, au bout d’un moment, disparaissent complètement. »
Cette étude, réalisée dans différentes régions d’Europe, serait valable pour tout le continent. »
Emmanuelle François
Ouest-France du 21 mars 2018 :
» Les oiseaux des campagnes en déclin vertigineux.
60 % de moineaux friquet en moins depuis dix ans, un tiers d’alouettes des champs disparues en quinze ans… Les oiseaux des campagnes françaises sont victimes d’un déclin vertigineux. « Il s’est encore intensifié depuis deux ans » s’alarment le CNRS et le Muséum national d’histoire naturelle, estimant que « ce déclin atteint un niveau proche de la catastrophe écologique. » En zones agricoles, les populations d’oiseaux ont perdu en moyenne un tiers de leur effectif en quinze ans. Sur Twitter, le ministre de la Transition écologique, Nicolas Hulot, a appelé à « se mobiliser ». Selon lui, « chacun peut agir : réduire les pesticides, lutter contre l’artificialisation des sols, réduire les pollutions ».
Voir aussi le » Point de vue » dans Ouest-France du 27 mars 2018.
« … Madame et messieurs les ministres, à quelques semaines des décisions interministérielles sur d’éventuelles dérogations (à la loi interdisant les néonicotinoïdes) et alors que s’ouvrent les premières discussions sur la loi agricole, nous vous appelons à protéger cette interdiction légale, à refuser l’utilisation préventive des néonicotinoïdes et à promouvoir au sein de la loi agricole les principes de la lutte intégrée contre les ravageurs. » Delphine Batho, Mathieu Orphelin, et 7 autres députés ou sénateurs.
Petit partage avec votre article, plasticienne je débute une série de dessins au crayon de couleur évoquant, par une suite d’abeilles mortes, la pollution par les substances chimiques et les pesticides utilisés dans l’agriculture. A découvrir :
https://1011-art.blogspot.com/p/vous-etes-ici.html
Cette série sera présentée dans le cadre des Rencontres Philosophiques d’Uriage en octobre 2019 répondant à la question « L’art peut il changer le monde ? »